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La mémoire d'un maître d'hôtel

Intarissable, jovial, affable, Jean-Pierre Chaland a 50 ans de restauration derrière lui. Une carrière ponctuée d’anecdotes, mais aussi d'une fidélité sans partage avec la Brasserie du Boulingrin qui en septembre prochain s’installera à deux pas de son ancien site. Rencontre.

« Tout petit, vers l’âge de 8 ans, j’ai su que j’étais fait pour ce métier. Gamin, je faisais la tournée avec mon grand-père qui tenait une épicerie, puis après pendant les vacances, un ami de mon père tenait un bar. J’y allais outre pour donner un coup de main, mais surtout pour m’imprégner de l’ambiance, des discussions… de l’humanité, ça m’a tout de suite plu ».

Cette école de la vie, Jean-Pierre l’a apprise avec plaisir et pour notre plus grand bonheur a toujours su restituer sa bonne humeur et son professionnalisme auprès de la clientèle.

À 14 ans, au sein de l’hôtel du Lion d’Or (aujourd’hui disparu), Jean-Pierre débute comme commis débarrasseur (tout un programme), puis comme commis de suite (dans l’ombre du chef de rang). L’établissement jouxtant à cette époque le cinéma
Empire où se produit en gala bon nombre de stars de la chanson française, l’adolescent découvre alors le monde du show
biz. « Toutes ces vedettes venaient dîner après le spectacle alors qu’il n’y avait plus de clients, on pouvait faire les 400
coups avec elles ».

C’est ainsi qu’il côtoie Johnny, Adamo, Eddy Mitchell, Jacques Brel, Claude François, Mireille Mathieu… Mais aussi des artistes comme Chagall, Fougita, et même Georges Pompidou alors Premier ministre. « Je me souviens d’Aznavour qui venait avec sa Rolls jaune et de Claude François était un sacré fêtard ».

Après l’armée à Metz en qualité de … Maître d’hôtel auprès d’un général 4 étoiles, ce seront des haltes plus ou moins longues par le restaurant Le Florence alors boulevard Foch (actuellement Côté Cuisine), puis dans la première pizzeria rémoise, rue de Mars, un passage plus tard par Les Mesneux, on retrouve Jean-Pierre alors à son compte dans « Le petit home » rue d’Alsace-Lorraine. C’est là qu’il développe ses talents de show man en réalisant du close up à la table des convives, l’un de ses hobbies !


Une rencontre
déterminante

Un personnage entre alors en scène, Bernard Victor-Pujebet. Il le débauche et l’emmène dans l’aventure de la Brasserie du Boulingrin, un bout de chemin qui durera 23 ans. Une fidélité à toute épreuve qui s’est achevée en début d’année avec
la fermeture de l’établissement créé en 1925 par la famille Leleu. « C’est le meilleur patron que j’ai eu. Droit, honnête, juste, un gars qui te fait confiance... Au début on était à 120 couverts par jour, à la fin, on montait jusque 320 ! Nous étions une trentaine d’employés à bosser dans une super ambiance. Franchement, on formait une chouette équipe ».

Pendant ces années, là encore, des gens connus viennent déguster les spécialités. Tavernier, Timsit, le groupe Louise Attaque
ou encore David Douillet prennent place sur les banquettes en cuir et savourent le décor Art déco des lieux, autant que le
contenu de leur assiette. « Raymond Devos se plongeait dans ses mots croisés et demandait à être seul, tranquille, avec
personne à ses côtés. J’ai aussi connu quand les Halles fonctionnaient à plein régime et que les gars venaient déjeuner
une andouillette à 5h du matin, c’était une autre époque. Pour l’anecdote, j’ai même sauvé des couples en faisant passer
l’amant ou la maîtresse par la cuisine, car le mari entrait dans la salle de restaurant ! ».

Et le métier
dasn tout ça ?

Si maître d’hôtel requiert des qualités d’écoute et une certaine psychologie, quoi qu’il s’en défende Jean-Pierre a néanmoins une âme d’artiste. « C’est certain que la clientèle entre dans un restaurant pour se détendre, nous sommes là pour répondre à leur attente et les accueillir avec le sourire, en laissant nos problèmes devant la porte. Le client ne doit pas subir nos états d’âme. Nous devons faire un peu le show, les habitués vous tutoient, vous connaissez leurs goûts, leurs habitudes. Pour moi, ce métier est une passion et un réel plaisir, car chaque jour et chaque service est différent, et avec cette recette, des râleurs, il n’y en a pas beaucoup ! ».

A vous de le vérifier mi-septembre, puisque la Brasserie du Boulingrin rouvre ses portes à l’emplacement actuel de la verrerie des Halles, juste en face des Halles rénovées. Jean-Pierre sera, bien entendu, au rendez-vous et avec lui, toute l’ancienne équipe !

IMMO'dérément (Numéro 9)
http://www.immoderement.fr/